Le numérique à l’école, c’est d’abord du lien et de l’humain avant d’être de l’outillage ou du codage !

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L’école numérique est dans de beaux draps. La voilà définitivement aux prises avec des lobbys puissants qui exercent d’ailleurs des forces contraires sur elle. Encouragés par les annonces du président sur le grand Plan numérique pour l’école, tous ces lobbyistes cireurs de parquets de cabinets nous annoncent un avenir radieux. Un plan de plus ! Sans doute pour pas grand chose. Essayons d’y voir plus clair.

1. Le numérique à l’école, ce n’est pas l’informatique toute seule

La proposition inverse est vraie, en revanche. L’informatique, c’est du numérique. Pas tout le numérique, juste son volet scientifique et technologique. Et si c’est un objet d’apprentissage, notamment par le biais de la programmation et du code, mais pas seulement, ce volet peut naturellement trouver place dans les disciplines existantes, à l’école comme au collège ou au lycée. Nul besoin d’en faire une discipline spécifique ou de ressasser les mêmes antiennes sur les vertus spécifiques et mirifiques supposées du codage (sic) qui n’est qu’une activité de création comme une autre, au service d’un projet et d’objectifs autrement plus importants !

Bref, je ne m’attarde pas, j’ai déjà tout dit à ce sujet et ce ne sont pas les ridicules et tardives explications de texte ampoulées des lobbyistes dépêchés à la hâte sur les plateaux qui risquent de changer quoi que soit à l’impression désagréable donnée par le rapport du Conseil national du numérique — qui a beaucoup plu au président !

Si je ne craignais que mon propos se relâche, je me fendrais bien d’une souriante trombine, là…

2. Le numérique à l’école, c’est d’abord la connexion, le réseau, le lien, l’Internet, l’humain, le partage

L’aurait-on oublié ? J’en ai l’impression. Et puis c’est tellement pratique d’« utiliser » des « outils » non connectés, pensent les promoteurs de ce nouveau Plan. Pas de souci de filtrage, de blocage ! Plus de réseaux sociaux, de vidéos… Juste de la bonne ressource bien à disposition. J’y reviens.

Oui, j’ai l’impression qu’on a oublié que l’Internet a pré-existé au numérique, qu’il lui a apporté le souffle humain et le lien sociétal dont il avait besoin. Cette idée de non-connexion n’est pas nouvelle, elle a déjà été exprimée par le lobby n° 1 dans la première recommandation du dernier rapport du Conseil national du numérique qui évoque cette idée d’enseigner l’informatique de manière débranchée donc non connectée. On retrouve cette même idée dans les propositions relatives au nouveau Plan, dans la bouche du président qui annonce, sans aucune crainte de l’embrouillamini sémantique : « Dès l’année 2015, pour la rentrée 2015-2016, déjà on va faire que dans les rythmes scolaires, on puisse apprendre ce que c’est que le codage, c’est-à-dire l’informatique, le numérique… sans qu’il n’y ait besoin d’un ordinateur ».

Pas besoin d’ordinateur, donc pas besoin de connexion, donc pas besoin d’Internet ! Je vous l’avais dit : au diable l’Internet et ses dérives, au diable les réseaux sociaux et l’infobésité, au diable la publication et les échanges en ligne ! Pas de doute, ça coûte moins cher en raccordement au très haut débit et ça rassure tout le monde, parents et enseignants. Que des avantages, vous dis-je !

3. Le numérique à l’école, ce n’est pas que du matériel ou des ressources

Eh non. Pour rebondir sur une aimable discussion en ligne, ça peut aider, en effet, d’avoir du matériel, et, de préférence du bon, ouvert, maintenu, administré. Comme ça peut aider qu’un enseignant dispose de bonnes ressources ouvertes, granulaires, interopérables, libres de préférence… Mais, à mon avis, ce n’est ni un préalable à l’engagement numérique ni la seule condition à ce dernier.

Concernant les ressources, la plupart des pionniers du numérique — il en existe encore aujourd’hui, compte tenu de l’état de la jachère — n’ont pas attendu les éditeurs si frileux et dépassés par le numérique, oh ! pas tous !, pour commencer à fabriquer et surtout partager leurs propres ressources. Je pense en particulier aux manuels de français que Yann Houry met en ligne librement et gratuitement. Mais il existe plein d’autres initiatives du même genre moins visibles et tout aussi audacieuses.

Quant au matériel, une certitude : celui d’aujourd’hui remplira les poubelles de demain. Je prends les paris, en 2015-2016, il y aura sans doute sur le marché des matériels plus sophistiqués, plus légers, plus pratiques, moins chers, capables de mettre en œuvre de manière plus aisée encore une certaine forme de nomadisme pédagogique et, surtout, d’ouvrir plus grandes encore les possibilités de création et d’activités. S’agira-t-il de BYOD (je ne vous mets pas le sigle français, il change tout le temps) ou d’un dispositif équivalent ? Allez savoir ! Une certitude encore : les élèves de la classe de 5e à qui on donnera (leur donnera-t-on ?) des tablettes cette année-là ne les garderont certainement pas jusqu’à la fin de leur scolarité au collège.

4. Le numérique à l’école, c’est d’abord des postures, des modes de pensée, des attitudes

Quand le numérique aura rejoint la pédagogie, ce sera sans doute parce que les programmes auront changé, parce que les examens auront changé, parce que les modes d’évaluation auront changé et, surtout, parce que les modalités d’enseignement et les attitudes, les postures auront changé. Il faut en prendre conscience, c’est le numérique qui va contraindre les professeurs à descendre de leur estrade, de leur chaire, de leur piédestal. Certains, de plus en plus nombreux, l’ont déjà compris. Ces mutations ne touchent d’ailleurs pas que les enseignants mais l’ensemble des métiers de médiation, de transmission, d’animation, de représentation… dont les journalistes, les femmes et hommes politiques et bien d’autres encore.

Et le plus tôt sera le mieux. Concernant l’enseignement, il s’agira évidemment moins de transmettre des connaissances que d’organiser, de susciter, de valoriser la capacité des élèves à se les approprier, de les accompagner dans l’élaboration de leurs savoirs. Il s’agit là d’un renversement complet et historique de certaines valeurs qui va évidemment laisser des traces, mais comment faire autrement ?

Bon, j’aurais prévenu, hein…

Michel Guillou @michelguillou

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Crédit photo : jenny downing via photopin cc

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Attention ! Ce blogue est encore un tout petit peu en travaux…

Bon, après quelques modifications du code, la une semble reprendre forme humaine :)

Donc, la bière est pour moi. Tant pis !

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