Bien entendu, on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant le code ! le code ! le code !…

Code

…Mais cela n’aboutit à rien et cela ne signifie rien… J’avais envie de commencer ce billet en paraphrasant très humblement de Gaulle qui évoquait lui, non le code, mais l’Europe, bien sûr. Une autre raison est aussi qu’on me prête en d’autres lieux un ton gaullien pour évoquer ces affaires et cette invraisemblable et frénétique fièvre pour l’enseignement du code et de l’informatique à l’école. Fort heureusement, on va le voir, elle ne touche pas tout le monde…

Encore ? direz-vous, à juste titre. Mais il s’est passé, depuis mes dernières prises de position sur ce point, un certain nombre de choses, des billets, des événements, qui demandent qu’on s’y attarde un peu. Qu’on réfléchisse.

Et puis, j’ai besoin de m’expliquer car mon point de vue est, semble-t-il, mal compris. Je l’ai lu et entendu.

Et puis, enfin, le lobby est toujours à l’œuvre.

Deux billets récemment parus ont, de manière différente d’ailleurs, exprimé des doutes quant à cette doxa persistante du moment.  Très curieusement — accrochez-vous ! on va parler de technique —, ces deux billets sont écrits sur des blogues WordPress, CMS identique à celui où j’écris le mien qui, du coup, change et porte le joli nom de « Culture numérique ». Ce transfert ne se fait pas sans mal et j’ai dû mettre les yeux et les doigts — oh ! si peu pour ces derniers ! — dans le code des fichiers .php et .css. Histoire de comprendre. D’ailleurs si un lecteur sagace pouvait m’indiquer comment virer facilement le vilain © de bas de page, il aurait droit à mon éternelle reconnaissance et à une petite bière.

Revenons à nos moutons

Benoît Lacherez signe sur son blogue un très joli billet bien tourné où il me fait l’honneur de mettre mon point de vue sur l’enseignement du numérique et de l’informatique face à celui que l’on connaît issu du rapport de mai 2013 de l’Académie des sciences, intitulé « L’enseignement de l’informatique en France ».

Benoît me donne l’occasion de m’expliquer en corrigeant un tantinet ce qu’il a compris de mes écrits, lesquels ne sont d’ailleurs pas figés dans le marbre.

  1. Je suis et reste favorable à un enseignement du numérique lequel ne peut trouver sa place que dans les référentiels à venir, dans le cadre disciplinaire existant, issus des travaux si essentiels du Conseil supérieur des programmes.
  2. Je suis et reste persuadé que ces référentiels s’enrichissent de la transversalité des approches et d’une littératie globale, incluant le numérique mais aussi les médias et l’information, dont la compréhension des modes de fonctionnement et de transmission sont si importants aujourd’hui.
  3. En aucun cas, mes propositions ne peuvent être qualifiées de « pratiques » — c’est un mot que je préfère cent fois à « usages », par ailleurs.
    S’il faut pourtant qualifier ma vision du numérique éducatif, je veux bien des adjectifs « humaniste » et « citoyen ». Il ne s’agit pas « d’apprendre à utiliser le numérique » mais d’apprendre le numérique (voir plus haut) et la citoyenneté numérique, d’accéder à une culture numérique. Quant à « la technique informatique sous-jacente », il ne s’agit évidemment pas de l’oublier mais de faire de sa compréhension et de sa maîtrise un élément parmi d’autres de cette culture numérique. C’est ça, comme le souligne Benoît Lacherez, ma logique gaullienne…
  4. Mon avis est que la mission de l’école, qui doit changer et s’adapter, est de prendre en charge, en tant que nouvelle compétence fondamentale, de manière essentielle et prioritaire, la capacité à pouvoir produire de l’information à destination d’un auditoire potentiellement universel : publier. C’est, de plus, une manière pour elle de défendre et promouvoir les libertés fondamentales, dont celles de donner son opinion et de s’exprimer sont bien mises à mal, ces temps-ci.
    Sur ce point, si je l’ai bien lu et entendu, je suis plus que jamais d’accord avec mon ami Benjamin Bayart, grand défenseur du logiciel libre, qui dit partout, sans doute un peu pour provoquer, que l’enseignement du code et la programmation n’ont pas leur place à l’école. C’est certes, pour lui, un exercice intellectuel fort intéressant, comme nombre d’autres, libérateur comme l’acquisition de toute bonne connaissance, mais bon…
  5. Je déteste les effets de mode et tous ceux qui sautent sur le premier syllogisme ou truisme venus. En l’espèce, ils sont pléthore, dans tous les milieux.
  6. Plus que tout, je hais les lobbys et les lobbyistes qui œuvrent en sous-main contre l’intérêt public.

Hubert Guillaud, lui, n’emboîte pas non plus, contrairement à certains de ses confrères aveuglés ou à certains politiques mal conseillés ou trop sensibles à la pression des lobbys, le train des prosélytes de la discipline informatique. Il exerce sa raison et s’interroge.

Dans un billet récent sur Internetactu.net, il pose la question : « Enseigner le code à l’école ? Vraiment ?».

Malheureusement, il commence son propos en tombant dans le piège convenu du syllogisme habituel : « Il faut enseigner le numérique car il est présent partout dans la société, l’informatique est au cœur du numérique, donc il faut enseigner l’informatique et le code ». Benoît Lacherez, plus vigilant, lui, appelle ça la « logique du blop » : « un élément arrive dans le discours par la seule raison de sa contiguïté avec un autre qui a été amené logiquement »…

Pour moi, la question pour l’école, sa mission essentielle, n’est pas de former des informaticiens ni même de préparer à « l’emploi dans les métiers du numérique qui peinent déjà à trouver les professionnels dont ils ont besoin »… En tout cas, pas seulement et pas de manière prioritaire. Non, sa mission essentielle est d’abord de former des citoyens éclairés, autonomes, responsables, possédant les éléments de cultures diverses et croisées, humaniste, technologique, philosophique, scientifique, littéraire, numérique… Toutes sortes de choses qui échappent à la compréhension de Serge Abiteboul, co-auteur du rapport de l’Académie des sciences et prosélyte en chef qui confessait, récemment, à l’occasion d’une matinée contributive au Conseil national du numérique à laquelle je participais : « L’informatique et former des informaticiens, je sais ce que c’est, le numérique et former au numérique, je ne sais pas faire… ». Sic.

Ça tombe bien, l’école ne lui demande rien. Il y aura bien dans l’école — oh ! ça ne va pas se faire d’un coup de baguette magique ! — des professeurs de mathématiques, de philosophie, de sciences physiques, de documentation, d’éducation physique et sportive, de sciences économiques et sociales, de technologie, de sciences de la vie et de la Terre… pour enseigner le numérique !

Hubert Guillaud pose ensuite quelques bonnes questions, plus pratiques d’ailleurs que fondamentales, sur la faisabilité technique, et formule des remarques fort justes sur la déliquescence de l’enseignement de la technologie, en convergence sur ce point avec d’autres propos de Benoît Lacherez. Il cite aussi, sans s’y attarder — ça le laisse dubitatif, dit-il — un article paru sur Slate.com où l’auteur énonce ;

« Nous n’avons pas besoin que tout le monde code — nous avons besoin que tout le monde pense. Et, malheureusement, il est très facile de coder sans penser. »

Cette phrase, assez tranchée et définitive, m’a fait penser à un échange avec Kwame Yamgnane, qui dirige l’école 42, sur une table ronde à Bourg-en-Bresse, à l’invitation de Fréquence Écoles. Je ne crois pas trahir sa pensée en rapportant qu’il disait souhaiter que les jeunes programmeurs qui passent par l’école 42 soient ouverts à une culture numérique globale et soient justement capables de penser, de préférence à plusieurs, en collaborant à leurs projets.

Hubert Guillaud relève aussi les propos d’Emmanuel Davidenkoff qui posait, lui, une question fort proche des préoccupations du dirigeant de 42, dans un article sur l’Express en ligne :

« Combien de temps faudra-t-il à l’enseignement scolaire, et singulièrement au secondaire, pour le comprendre et pour cesser de n’évaluer que les compétences individuelles ? Pour qu’il apprenne à valoriser les capacités à coopérer, à formuler et à résoudre collectivement des problèmes de tous ordres ? »

À n’en pas douter, cette question est une de celles, autrement plus graves et urgentes, que le numérique va poser à l’école. S’il ne s’agit peut-être pas d’un tsunami, pour paraphraser à nouveau Emmanuel Davidenkoff, c’est bien d’une succession de secousses telluriques qu’il va s’agir. La confrontation de l’école de Jules Ferry au numérique de ce millénaire risque d’être un tantinet cataclysmique, en obligeant à revoir de fond en comble contenus d’enseignement, programmes, référentiels, examens, postures mais surtout, surtout, les méthodes de travail et d’évaluation et les modalités d’apprentissage.

À côté de ce cataclysme, la proposition pour le résoudre de la création d’un CAPES ou d’une agrégation d’informatique risque de passer pour… dérisoire.

En conclusion, Hubert Guillaud pose la bonne question : l’école doit-elle prendre en charge tout ça ? « L’école n’est pas la solution à tout », dit-il. Pour ma part, je crois pourtant toujours que l’école est encore la solution à tout ou presque — on ne se refait pas — et, notamment, pour ce qui concerne le numérique, pour combattre toutes les formes de fracture conduisant à l’illettrisme ou à l’obscurantisme. Et c’est en effet une question qui va se poser très cruellement et urgemment à l’école si elle ne montre pas plus de souplesse et de capacité à évoluer et s’adapter, au moment où les jeunes, ses élèves, ont des pratiques numériques, sociales et informationnelles massives majoritairement hors de l’école ou du temps scolaire.

Michel Guillou @michelguillou

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Crédit photo : BinaryApe via photopin cc

[cite]

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17 commentaires pour “Bien entendu, on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant le code ! le code ! le code !…
  1. Je pense que nous sommes assez d’accord Michel. Oui l’école doit d’abord former des citoyens éclairés et on voudrait toujours qu’elle y arrive mieux.

    Ce qui me laisse dubitatif, c’est l’idée d’enseigner le code à l’école (la phrase précédente est la légende de l’image, en ital.).

    Quant à la conclusion sur laquelle nous divergeons, il me semble que trop souvent on voudrait que l’école résolve tous les problèmes de la société et enseigne à TOUT. On voit les effets de cet impératif : on ne sait plus ce sur quoi elle doit former… Et elle est convoquée au moindre problème, sommée d’être irréprochable. Je pense qu’elle ne peut pas faire seule, pas sans s’ouvrir à d’autres modalités éducatives, ou tout ne reposera pas sur des profs.

    • Michel Guillou dit :

      Merci du commentaire, Hubert.

      Sur le dernier point, disons que je suis quasiment génétiquement marqué par cette idée que l’éducation est le remède des maux et dérives de la société. Mais tu as raison, ça devient compliqué de tout assumer… Raison de plus de la secouer un peu en évitant qu’elle se fourvoie dans l’accessoire au détriment de l’essentiel.

  2. Kwame dit :

    Hello Michel,

    Je suis d’accord avec ton article. L’Ecole est la pour apprendre la citoyenneté. Il s’agit la de plusieurs dizaines de compétences à acquérir et je pense que le code aurait « bon dos » de porter l’entière responsabilité d’un tel apprentissage.

    Par contre je n’imagine pas une seconde que l’on puisse être un citoyen du monde numérique, en ne comprenant pas les limites et les capacités de la machine et c’est là qu’est justement l’objet de l’apprentissage du code.

    Si nous ne formons pas au code, nous allons former des utilisateurs (et encore), simples moutons d’un monde qui les dépasses. Ou nous décidons de former des gens qui savent « compter » dans un monde « mathématique ».

    Lourde est la responsabilité de celui qui dira « non ! on apprendra pas le code a nos enfants » : s’il se trompe, il aura alors tué des générations entières, et la France par la même occasion.

    Mais reste à définir ce que l’on entends par coder par ce que s’il s’agit de l’apprendre « par coeur pour demain » (comme c’est si détestablement écris tous les jours dans le cahier de mon fils) surtout ne touchez a rien ! parce que pour le coup : « Nous n’avons pas besoin que tout le monde code — nous avons besoin que tout le monde pense. Et, malheureusement, il est très facile de coder sans penser ».

    Mais j’insiste dans ton sens Michel, ce n’est pas l’apprentissage du code qui est l’enjeu majeur. C’est bien le comment remettre du sens dans l’Ecole dans monde numérique.

  3. Charles pucheu dit :

    Derrière cette injonction du code à l’école, il y a tout de même un grande part d’ombre sur quoi et qui ?
    Tout d’abord qu’est-ce que sera l’enseignement du code ? Un cours avec chapitre 1 les balises, chapitre 2 tel langage…. appuyé sur quelques TD/TP/Manips : Tiens aujourd’hui on va faire une balise HTML : Oh!qu’il est joli le texte en gras , apprendre par coeur la liste des principales balises (mais de quel langage) ?
    Et surtout qui va le faire : le prof de math en pré-retraite qui rappellera le bon vieux temps des cartes perforées ? La pétulante enseignante fraîchement moulue de son ESPE qui viendra enseigner Ruby sur l’ongle (blague de geek, désolé) ? Le prof de géo qui racontera sa dernière exploration en Java ? Bref, qui (quel champ disciplinaire, de compétences, de connaissance) a aujourd’hui massivement les compétences et connaissances pour enseigner cela hormis quelques personnes isolées dans le système ? Faisons un tour dans les établissements et j’ai bien peur que la réponse soit sévère si l’on souhaite avoir une ambition réelle sur ce projet…

    Mais la vraie question n’est pas tant de savoir si c’est à l’école de le faire ou pas mais pourquoi veut-on le faire et en quoi cela constitue un intérêt aussi majeur ?
    – Former au code pour pré-former des informaticiens ?
    – Former au code pour pré-former des programmateurs, ingénieurs logiciels ?
    – Former au code pour construire des hackers(au sens noble du terme) dans une optique de sécurisation informatique, de créativité ?
    – Former au code dans une logique d’émergence générationnelle pour répondre à des stratégies de cyber-puissance ?
    – Former au code pour déconstruire ou détruire les systèmes existants ?

    Les réponses ne sont hélas pas très précises chez les partisans du code à l’école. Tout au plus on nous explique le très vague principe grammatologique du code. Enfin il est étonnant aussi de ne pas voir apparaître une question simple mais évidente : Aurons-nous encore besoin demain de coder pour des choses élémentaires ou est-ce que des logiciels performants ne pourront pas effectuer des choses simples aujourd’hui traitées par les humains mais demain par des machines ? La notion de code sera-t-elle encore valable dans 20 ans ?

    Enfin la problématique du code pose la question du rapport à l’interface. Aller voir le code c’est dépasser l’interface, jouer à Alice au pays des merveilles et basculer de l’autre côté du miroir. Mais honnêtement, qui connaît beaucoup de monde qui tape ses rapports en ligne de commande ?

    L’idée de liberté (libertaire ?) derrière le code à l’école revient à dire, si tu sais coder tu es libre. C’est bien gentil les pâquerettes et les petits oiseaux, mais si je sais coder, je ne peux m’affranchir d’un logiciel propriétaire verrouillé à moins d’inventer le mien (bonjour le boulot ! ). Il s’agit là à mon sens d’une fausse ou semi-liberté qui en revient à devenir prisonnier d’un certain langage qui formate aussi notre façon de penser le code et l’informatique. De plus, l’idéal de liberté individuelle sous tendu est également fallacieux car dans la majorité des cas, le code n’a son utilité que de manière collective (c’est notamment le cas de logiciels libres. Or, s’il y a indéniablement des réussites dans ce domaine et des atouts certains, la signification du code à l’école ne peut s’intégrer que dans une dimension du collectif et non pas de l’élève apprenti-programmeur. Le problème et je rejoins certaines interventions n’est pas le code en lui-même mais l’outillage intellectuel pour appréhender le numérique qui dépasse largement la problématique du codage.

    Pour rejoindre les interventions précédentes, le problème du code à l’école n’est pas tant de savoir si celui-ci a une utilité ou pas. Tout peut avoir une utilité. Pourquoi pas la physique quantique pour construire l’informatique (d’aujourd’hui) de demain ? L’école omnisciente a ses limites… La question réside donc dans POURQUOI (au sens des objectifs stratégiques de société et non pas d’un listing d’objectifs pédagogiques ou didactiques) enseigner le code et de son importance prioritaire dans le projet de l’Ecole et de la société ?

    Ce débat a au moins le mérite d’exister et contribue au moins à modeler notre façon de penser le numérique.

  4. Merci beaucoup pour cette réponse détaillée, Michel, et merci aussi de confirmer par ton titre le côté gaullien que j’avais cru déceler ;). Cela me permet de voir un peu plus clair (même si, à la vérité, d’autres de tes textes que j’avais lus m’avaient déjà amené à nuancer ma vision de tes idées, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’avais pris autant de précautions pour insister sur le fait que je ne parlais que de l’article que je citais et non de l’ensemble de ta pensée).

    Je l’avoue, j’avais quelque peu sur-estimé la dimension « pratiques » de ta position, probablement parce que tu opposes l’apprentissage de la liberté d’expression et l’apprentissage du code ; j’avais donc un peu hâtivement considéré qu’il te semblait nécessaire de *pratiquer* surtout la liberté d’expression avec le numérique. Nous sommes donc d’accord sur le fait qu’il est nécessaire d’enseigner le numérique.

    Toutefois, il me semble que ma remarque reste vraie : ta position, que tu appelles (à juste titre selon moi) citoyenne ou humaniste reste à un haut niveau. Tu dis « Il y aura bien dans l’école — oh ! ça ne va pas se faire d’un coup de baguette magique ! — des professeurs de mathématiques, de philosophie, de sciences physiques, de documentation, d’éducation physique et sportive, de sciences économiques et sociales, de technologie, de sciences de la vie et de la Terre… pour enseigner le numérique ! ». C’est ce que j’évoquais quand je parlais de « l’intendance ». Comme tu le dis, ça ne va pas se faire d’un coup de baguette magique, et je crois que c’est bien là qu’est le problème : qui sont ces professeurs dont tu parles ? Comment seront-ils appelés à jouer ce rôle ? Seront-ils volontaires pour le faire ? Seront-ils désignés ? Comment seront-ils formés pour le faire ? C’est ce qui me paraît poser problème et je regrette que tu ne proposes pas de réponse à ce problème. Et je reste sur l’impression que tu envisages cette question avec une sorte d’optimisme désinvolte (ou de désinvolture optimiste ;)). Car le fait que les compétences liées au numérique soient transversales à beaucoup de disciplines ne suffit pas à leur trouver une place et l’exemple du B2i montre assez que si tout le monde doit enseigner le numérique, en fin de compte, personne ne l’enseigne. Je prévois d’ailleurs d’écrire un billet à ce sujet. Mais j’aimerais vraiment avoir ton avis sur ce point, car je partage assez ton analyse globale.

  5. Michel Guillou dit :

    Merci Benoît de ce retour.

    Oui, je suis optimiste. Enfin le plus souvent…

    Mais désinvolte, je ne crois pas. Je le répète, voir mon premier point « Je suis et reste favorable à un enseignement du numérique lequel ne peut trouver sa place que dans les référentiels à venir, dans le cadre disciplinaire existant, issus des travaux si essentiels du Conseil supérieur des programmes. ». Ce dernier point est important : c’est ce travail engagé qui va permettre, à mon avis, de changer les programmes et les référentiels, donc d’enseigner le numérique, donc de changer les examens, les modalités d’enseignement, les postures et d’engager les femmes et les hommes dans le bon sens.

    Tant que les programmes et les examens ne changeront pas, c’est sûr que ça ne bougera pas beaucoup. En revanche, si tout ça change, on va dans le bon sens…

    Au plaisir d’échanger.

  6. lauMarot dit :

    Synthèse et commentaires intéressants sur ce vaste chantier qui a connu ces dernières semaines de nouveaux soubresauts étatiques mais tout autant erratiques.
    Le code oui mais effectivement le code pour quoi ! S’il s’agit d’enseigner la programmation comme on enseigne aujourd’hui les langues étrangères, on peut peut-être s’épargner quelques dépenses et coup de stress des enseignants, non ?
    Le code, au sens « programmation » doit apparaitre comme une synthèse au profit d’une finalité établie.
    Par ailleurs, on peut noter que l’école enseigne le code depuis bien avant l’ère informatique. Surprise … Entre la logique et l’algorithmique apportés par les mathématiques et les aspects syntaxiques de la grammaire et de la conjugaison, nos chères petites têtes blondes ont tout ce qu’il faut pour coder. Le chainon manquant n’est donc pas là.
    Ce qu’il faut, à mon avis, c’est permettre à chacun de réaliser lucidement le cycle de croissance de la bête internaute, acteur du numérique qui sommeille en lui, cher à Benjamin Bayard : acheteur => kikoolol => lecteur => râleur => commentateur => auteur => animateur, en comprenant les concepts et techniques sous-jacentes (et du coup les leurres et les écueils).
    Et ce serait déjà un beau projet que de permettre à chacun de prendre conscience de la manière dont les quelques mots tapés sur ce clavier seront visibles aux yeux du plus grand nombre par la « fausse magie » de l’informatique et des réseaux.

  7. Martin dit :

    Quand un blog qui traite de « culture numérique » réclame ceci :

    D’ailleurs si un lecteur sagace pouvait m’indiquer comment virer facilement le vilain © de bas de page, il aurait droit à mon éternelle reconnaissance et à une petite bière.

    J’en ai les cheveux qui s’hérissent sur la tête. C’est comme si tu demandais d’effacer la signature d’un peintre sur son tableau. En France, c’est illégal, même si tu en l’autorisation de l’auteur. Il s’agit de son droit moral, inaliénable et imprescriptible.

    Ensuite, tu sembles oublier qu’on a déjà enseigné le code à l’école, et qu’une génération d’enfants, devenus adultes depuis, en ont profité. Il s’agit du feu plan « informatique pour tous », qui incluait notamment la découverte de l’informatique, mais aussi la programmation logo, et même un BAC informatique, le BAC H (disparu depuis), et une option informatique (présente au baccalauréat) où l’on enseignait là encore à programmer (j’ai fait du Turbo Pascal à l’époque).

    Tout le monde ne sera pas développeur, ou programmeur, et tout le monde ne codera pas. Et je ne pense pas que cela avait été le but, tout comme je ne pense pas que le but de l’enseignement dans la filière générale soit de former des programmeurs. Il s’agit d’ouvrir l’esprit aux enfants, ainsi que de leur montrer un avant-goût d’une carrière dans l’informatique.

    Au collège, on enseigne toujours, en Technologie, de quoi fabriquer des objets de ses mains. Et même le fonctionnement détaillé d’un vélo. On y fait même des objets à base d’électronique. Tout le monde ne sera pas pour autant artisan ou mécanicien.

    Au collège toujours, on enseigne le latin. Rares seront les élèves qui en feront un métier. J’irai même plus loin : rares sont les élèves à qui, sinon pour la culture d’une langue morte, en profiteront de quelle que manière que ce soit dans leur vie de citoyen.

    Et pourtant, on enseigne bien ces choses là.

    Combien d’ingénieurs ai-je vu ne plus connaître le théorème de Pythagore… c’est dire que les maths sont bien la première chose qu’ils oublient une fois dans la vie active. Combien en ai-je vu faire deux fautes par mot, que ce soit en français ou en anglais ? Faut-il pour autant abandonner l’enseignement des maths ou des langues à l’école ?

    Bref.

    L’informatique n’est pas une mode. Depuis les années 1940, elle connaît une croissance fulgurante, au point d’être devenue, dès les années 1980, et sans cesse depuis, notre quotidien à tous.

    L’informatique est là pour durer. Combien de fois m’a-t-on dit, durant mes études, qu’on n’avait plus autant besoin d’informaticiens ? Et le bug de l’an 2000 en a réclamé en masse. Oui, mais depuis l’éclatement de la bulle Internet, il n’y en a plus besoin ! Et nous sommes déjà touchés par le bug de l’an 2038 (l’amortissement d’un crédit immobilier sur 25 ans nous amène jusqu’en 2039 ; ça vaut le coup de s’y intéresser dès aujourd’hui). Combien de fois ai-je lu que l’informatique était en crise, alors que le taux de chômage varie entre 3 et 4 % maximum. Oui, on a besoin et on aura besoin d’informaticiens. Pour encore quelques décennies. Peut-être plus.

    A défaut d’informaticiens, on ne produit pas les technologies logicielles que nous employons tous. On ne fait que s’en servir. Et dépendre d’entreprises ou d’états étrangers. Moins on les développe, moins on les comprend. Jusqu’à finir par être réduit au rôle de simple consommateur.

    Il n’y a nul besoin d’être développeur pour installer un logiciel, qu’il s’agisse d’un traitement de texte ou d’un système de gestion de contenus (CMS). On a cependant besoin d’un développeur pour développer un tel logiciel, ou améliorer celui qui existe. Pour gagner en productivité, apporter un nouveau service, sans dépendre de tiers.

    Aujourd’hui, ce sont bien des développeurs qui dirigent le monde numérique : Google, Amazon, Facebook, Apple (dans une certaine mesure), ou encore Microsoft, sont des entreprises qui se distinguent principalement par le logiciel. En se contentant de fournir une culture numérique vague, on apprendra à nous servir de leurs logiciels, mais on restera dépendants de ceux-ci. Et en devenant dépendants de logiciels tiers, stockant nos données dans des pays étrangers, on abandonnera tout notre pouvoir à ces gens là, avant de sombrer suite à notre propre déclin.

    Il y a aura bien des révolutions technologiques à l’avenir, mais il reste essentiel de reprendre sa place dans la révolution numérique. Il n’est pas trop tard. Cela le deviendra si nous ne développons pas par nous mêmes les logiciels que nous utilisons au quotidien. Et pour ça, on a besoin de donner envie à nos enfants de s’y intéresser, pour que quelques uns envisagent une carrière dans cette voie. Pour qu’ils assurent notre avenir.

    • À l’évidence, vous ne m’avez pas lu, au contraire des autres excellents commentateurs. Aucun des arguments que vous avancez ne correspond au sujet et, par ailleurs, vous ne m’apprenez rien sur les éléments historiques (j’ai connu IPT et développé des logiciels, dont un TdT en Logo).

      En revanche, vous m’avez fait beaucoup rire avec votre histoire surréaliste concernant le © de fin de page qu’on m’a aimablement aidé à virer, ce dont je suis (moi, l’auteur, l’avez-vous remarqué) particulièrement content…

      • Martin dit :

        En effet, j’ai manifestement lu trop vite votre billet. Je vous présente mes excuses. Ainsi, je n’avais pas pris conscience que c’était le seul caractère « © » qui vous gênait, et non la signature du CMS. Le droit d’auteur de vos écrits vous appartient. Ceux des images les accompagnant, dont les auteurs ne semblent pas cités, ainsi que les commentaires du site, fort nombreux, non. Mais là n’est pas le sujet. Pour ce qui est de mes arguments, je les considère pertinents et en rapport avec le sujet.

        • Toutes les citations de ce texte sont référencées par des liens directs sur les originaux et leurs auteurs mentionnés.

          Par ailleurs, l’unique image de ce billet est parfaitement référencée de même que les droits afférents, voir en bas de page, après ma signature.

          À part ça ?

  8. WIRTZ Sebastien dit :

    Bonjour,
    Informaticien, je ne suis pas développeur, et père de 3 enfants, j’ai fait partie de ceux qui ont eu une initiation au langage Logo évoqué plus haut.
    Tout d’abord, surpris par votre construction d’article basée sur la critique d’autres billets, développer son argumentaire selon ses propres expériences qui semblent nombreuses pour autant paraît plus pertinent. Le but ne semble pas d’offrir une critique littéraire mais un éclairage sur un sujet. On comprend aisément cependant que vos écrits nombreux sur le sujet vous ont déjà amené à ces publications argumentées dont j’aurai aimé avoir lecture ici.
    Je tiens à vous faire part de ma propre expérience qui même légère, fait qu’aujourd’hui l’opinion que je peux avoir sur le sujet est je l’espère réaliste dans notre monde numérique.
    J’ai donc eu la chance d’apprendre des rudiments de Logo alors en CM1/CM2 : je n’y ai vu aucune utilité, l’enseignement alors réalisé n’était même pas basé sur une méthodologie permettant un raisonnement réutilisable ensuite. Quant au langage, déjà marginal à l’époque, il a disparu très vite. J’ai eu alors la chance de faire du Pascal, en école d’ingénieur (génie climatique), et ben même à ce niveau, la critique est douloureuse… L’enseignement n’était pas adapté, le Pascal, plus très utilisé et plutôt que d’apprendre la manière de construire un algorithme on s’évertuait à nous faire apprendre des lignes de codes et des instructions. Alors je vous dis tout cela pourquoi ? Prenez le plutôt comme un témoignage.
    Je vais continuer un peu ce témoignage, cela vous permettra de comprendre après où je veux en venir. Informaticien, donc, je suis un autodidacte en informatique, refusant toujours de faire des études en informatique, ne trouvant pas déjà une filière adaptée en France dont j’ai déploré l’archaïsme de l’enseignement de ces matières – je suis incapable cependant de juger le niveau actuel, j’ai bien quelques stagiaires qui viennent dans mon service, et j’ai l’impression qu’à ce jour on a fait quelques efforts mais peut-être pas suffisamment encore – .
    Déjà en informatique, il y a un nombre de professions différentes incroyable et même dans notre milieu on nous croit parfois polyvalent de l’un à l’autre et c’est encore plus dure pour le grand public de se rendre compte de ses différences…
    Cette fois, je vais vous exposer enfin la raison de tout ce déballage relevant du privé. L’enseignement en primaire est déjà bien complexe. Les enseignants comme les animateurs du périscolaire ne sont pas aptes à animer des cours sur le code informatique. C’est une hérésie que de penser que cela est simplement faisable parce qu’on l’a encouragé. J’ai 2 enfants en primaire, et un qui vient d’entrer au collège, je connais donc parfaitement les niveaux de compréhension que mes enfants pourraient avoir du numérique, d’ailleurs j’encourage son utilisation et un sens critique auprès d’eux. Mais le code, soyons sérieux. Je pense par contre, que des notions de logiques qui pourraient ensuite servir plus tard aussi bien à la construction de raisonnements complexes, qu’à l’art de la rhétorique serait à la fois atemporel et resterait adapté. Mais quel animateur ou quel enseignant pour cela ?
    Aujourd’hui l’enseignement n’est plus orienté vers le concret, l’immédiateté, la réutilisation des processus enseignés, c’est en tout cas mon sentiment et je le partage (avec vous). Là où faire un exercice mathématiques sur le nombre de piquets d’un champ parlait aux nombreux enfants des générations avant la mienne, le code informatique restera un ovni pour mes enfants. C’est pour moi la plus belle erreur. Je fais un peu de formation sous Windows et Word dans mon métier, les utilisateurs en sortant me remercient par le concret de celle-ci, pas parce que je suis génial -même si j’aimerai le croire- mais parce qu’au lieu de faire du standardisé, la formation est orientée pour l’utilisation qu’ils vont en faire. Et ben c’est tout le contraire de ce qui est entrepris dans l’enseignement actuel, tout est aseptisé, sans saveur… L’enseignant a perdu sa liberté d’enseigner, il est contraint dans des logiques qu’il ne comprend pas et auxquelles il n’adhère pas. Le code informatique en serait une de plus !!!
    Alors l’enseignement numérique, oui, mais dans des contenus concrets et en support d’autres cours, pour le rendre pratique et vivant.
    Merci d’ores et déjà de m’avoir lu jusqu’au bout.

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Bon, après quelques modifications du code, la une semble reprendre forme humaine :)

Donc, la bière est pour moi. Tant pis !

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