Changement de tête à la Direction du Numérique pour l’Éducation : faut-il s’en inquiéter ?

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Le portail Eduscol confirme ce matin la rumeur qui courait : la première directrice de la Direction du Numérique pour l’Éducation au ministère, celle que Vincent Peillon avait nommée pour en préparer la mise en place et l’organisation, Catherine Becchetti-Bizot, a été débarquée et remplacée par son adjoint, Mathieu Jeandron, hier encore DSI de l’Éducation nationale.

Ce dernier relaie sur Twitter l’information du ministère :

Que faut-il en penser ?

J’avais dit, en son temps (1), que la nomination à la tête de cette direction d’une femme, inspectrice générale de lettres, déjà engagée dans l’éducation aux médias, était un signe triplement prometteur. Depuis, elle a lancé un chantier très complexe et très lourd de refondation du numérique éducatif, en accompagnant, avec ses équipes rue de Grenelle ou dans les académies, des choix politiques pour le moins confus mais avec sa vision toute personnelle, s’engageant pour promouvoir l’acquisition par tous les personnels, cadres et enseignants, d’une littératie numérique globale. De la même façon, elle a travaillé à changer au fond et patiemment un système très verrouillé et, sous bien des aspects, définitivement obsolète et incapable de s’adapter à ce monde numérique en marche, malgré l’élan donné par l’engagement des jeunes.

Son engagement à elle faisait plaisir à voir. J’avais commencé un billet pour critiquer, de manière très pondérée et plutôt positive, les récentes orientations prises en matière de formation. Je le finirai plus tard, il n’y a pas urgence, mais il suffit de l’écouter évoquer les points forts de ce chantier dans une récente vidéo pour comprendre sa détermination et son courage.

À l’évidence, elle a dû devoir résister, au ministère, à la pression de nombreux lobbys, dans et surtout hors l’institution, plus influents les uns que les autres. Je fais le pari que c’est, en partie, la raison de son échec. J’y reviendrai plus en détails, sans doute, mais les attaques honteuses dont elle a précédemment fait l’objet, en certains lieux — je pense à une audition devant le Parlement — comme l’incompréhension de certains de ses partenaires — et là je pense en particulier au nouveau Conseil supérieur des programmes qui n’a pas compris grand chose au numérique, éducatif ou pas — n’ont sans doute pas permis qu’elle puisse continuer davantage.

C’est dommage. Je lui souhaite ce qu’il y a de mieux pour la suite de sa carrière.

Et maintenant ?

Je ne veux rien supposer a priori. Je ne connais pas Mathieu Jeandron. Il est jeune et ne provient pas du sérail et ce sont sans doute là deux avantages. Je lui souhaite aussi tout ce qu’il y a de meilleur. Cela dit, j’accorde plus d’importance à ce que va devenir le numérique éducatif, aux orientations qui seront prises, qu’à sa propre personne. Il ne devrait pas m’en vouloir.

Mais certaines questions se posent qui laissent planer, comme je l’ai dit, des inquiétudes :

Nommer à la tête d’un service censé coordonner les chantiers relatifs à la mise en œuvre du numérique dans les classes avec ceux relatifs aux systèmes d’information de ce grand ministère, quelqu’un qui prenait en charge précédemment ce deuxième chantier, ne serait-ce pas prendre le risque de subordonner l’un à l’autre et de mettre la pédagogie au service de l’informatique, au contraire du bon sens ?

Mathieu Jeandron saura-t-il, pourra-t-il, résister aux lobbys très puissants qui arpentent les cabinets vernissés du ministère ou de la présidence ? Je pense aux grands groupes industriels, Apple, Google, Microsoft… qui lancent une offensive sans précédent sur les marchés éducatifs, en France comme ailleurs. Je pense encore à certains délires néo-obscurantistes — je persiste et je signe :

« Ceux qui tentent de nous faire prendre des vessies pour des lanternes et, par exemple, l’enseignement du code — lequel, d’ailleurs ? — pour l’éducation au numérique. »

Notre nouveau directeur saura-t-il résister à l’incommensurable inertie qui pèse sur ce ministère ? Saura-t-il, lui qui n’est pas un pédagogue, peser sur les mutations pédagogiques et éducatives nécessaires ? Pourra-t-il être un interlocuteur légitime du CSP (programmes), de l’Inspection générale, de la DGESCO (je pense aux examens), des ESPE (formation initiale) où il y tant à faire, des recteurs et directeurs des services départementaux ?

Là, j’ai comme un doute. Il ne demande qu’à être levé.

Michel Guillou @michelguillou

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Photo par Peter17 (Own work) [GFDL or CC BY 3.0], via Wikimedia Commons

  1. Enfin la légitimité pour la direction du numérique éducatif https://www.culture-numerique.fr/?p=663
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