Ludovia : numérique et éducation, entre consommation et création

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Une fois de plus, mes errances estivales vont m’amener du côté d’Ax-les-Thermes, en Ariège. Ce sera entre le 25 et le 27 août. L’été ne sera pas finissant encore mais les jours seront plus courts et les soirées seront fraîches.

Peu importe ! Ce sera la 11e édition de Ludovia et, comme d’habitude, une partie des journées et des soirées sera consacrée, avec les amis ou les nouvelles connaissances — chic ! — à réinventer le monde du numérique éducatif… Une fois de plus, l’imagination sera au pouvoir pour croire que la refondation numérique de l’école n’est pas une vue de l’esprit. Une fois de plus, très tard le soir, on essaiera de se persuader que les programmes, les examens, les postures, les modalités de l’enseignement, les engagements de l’école et de ses acteurs peuvent et vont changer, se mettre enfin à la bonne heure, l’heure de la société et de ses jeunes, l’heure numérique…

Ce sera en tout cas du grand plaisir, celui que procure le numérique soi-même, celui des échanges, celui des partages, celui du pair à pair… celui des échanges informels et spontanés, là au coin du bar ou sous les chapiteaux…


Le thème retenu cette année est celui de la balance supposée du numérique éducatif, entre consommation et création. Décliné sur les ateliers et les tables rondes pendant trois jours, ce thème aborde une question majeure.

Ludovia 11

C’est un vrai dilemme pour l’école et les choix à faire sont au cœur de ses missions. Il convient pour elle, de manière prioritaire, rappelons-le, de former de jeunes citoyens, critiques, libres, capables de choix éclairés, autonomes, responsables, actifs et créateurs, en prise et en synergie avec leur temps. Mais doit-elle ignorer le monde du travail et la consommation ? S’agit-il pour elle de former aussi des futurs travailleurs et des futurs consommateurs ? La question fait généralement peur et les réponses, au sein même du système éducatif, sont extrêmement nuancées et diverses. N’entamons pas ce débat, ce n’est pas le lieu. Mon propos était juste de montrer la complexité du problème quand il s’agit d’éducation.

Concernant les choix de l’école pour son engagement numérique, il s’agit de tout autre chose… Quoique !

Parlons-en. Il s’agit des ressources numériques et de la manière dont les enseignants, les professeurs se les procurent et s’en emparent, se les approprient. Ce sera l’objet d’une table ronde que j’aurai le plaisir d’animer, le mardi 26 août à 9 h — voir le programme.

Car il existe, grosso modo, deux sortes de ressources numériques :

Celles que les industriels de l’édition privée ou publique élaborent, construisent, didactisent, assemblent pour des corpus cohérents et, le plus souvent, validés.

Ces ressources sont généralement stockées ou présentées sur des sites ou des portails commerciaux ou institutionnels, selon des stratégies de vente ou d’accès par licence d’utilisation très diverses. On peut les trouver le plus souvent assemblées ou plus rarement granulaires. Elles ne peuvent généralement pas circuler et s’échanger sauf à s’affranchir des droits liés à leur utilisation, ce qui est parfois possible quand elles sont libres. Elles ne peuvent pas non plus le plus souvent être prêtées. C’est une logique de stock assez classique et qui a été, au siècle dernier, un modèle économique efficace. Ce n’est plus le cas.

En classe, on apprécie le plus souvent ces ressources numériques mais, ce n’est pas douteux, il existe aussi parfois en stock des choses d’une grande médiocrité, parfaitement inutilisables, ce qui n’empêche d’ailleurs nullement ceux qui les diffusent de bénéficier de l’aide publique. Par ailleurs, on note souvent de trop grandes contraintes pour y accéder ou les utiliser, rigidités incompatibles avec la souplesse nécessaire en classe.

Ce sont des experts divers venus d’un peu partout qui les ont conçues, didactisées, organisées, validées.

Celles que les professeurs eux-mêmes bidouillent, d’autre part, seuls ou à plusieurs, de manière assez inorganisée et, disons-le tout net, confuse.

De quoi s’agit-il ? Ne vous attendez pas à trouver des ressources organisées ou classées, voire validées par un quelconque expert ou mandarin universitaire ! Non, il s’agit d’un corpus incohérent, multiple, décousu, désespérément illogique de documents numériques divers, images, vidéos, textes, présentations, animations, cours, manuels, séquences, progressions… toujours granulaires et disponibles sur des blogues ou des sites nombreux et sans rapport les uns avec les autres.

Par ailleurs, ces ressources bénéficient le plus souvent de licences libres qui leur permettent de circuler, de s’échanger voire de s’enrichir qui les font tomber dans le grand maëlstrom de l’Internet, de site en blogue, de blogue en portail, sur des listes de diffusion, des sites de stockage ou de téléchargement, y compris sur des supports numériques matériels.

Plus ces documents circulent et s’échangent, plus ils prennent de la valeur. Il s’agit là d’une logique de flux plutôt nouvelle et largement suscitée et favorisée par la nature même du réseau. C’est aussi le règne de la confiance car les experts, s’il en est, sont plutôt ceux qui savent où se trouve la ressource plutôt que ceux qui l’ont conçue. Cette économie de la confiance s’accommode fort bien des microcosmes, des réseaux sociaux et des espaces ou outils de curation où se nouent ces relations particulières de proximité et de connivence.

Ce sont ces réseaux de confiance qui permettent, dans un océan de médiocrité — il est vain de le nier —, de repérer les perles, les petites merveilles nombreuses et parfois très étonnantes. Là, point de contraintes ni de rigidités, c’est la souplesse d’utilisation qui est la règle. Et quel plaisir d’enrichir, d’augmenter comme on dit aujourd’hui, des ressources qu’on a pris plaisir à utiliser pour, à son tour en faire profiter les autres !

Alors, le stock ou le flux ?

Il n’existe pas de réponse unique et simple à cette question.

Même s’il persiste encore comme modèle de diffusion et d’appropriation, je suis persuadé au fond que le modèle du stock, unique et centralisé, a vécu. Le portail institutionnel Éduthèque, par exemple, rend des services considérables à tous ceux des enseignants qui souhaitent, peu à peu, illustrer ou enrichir leurs cours de documents numériques de qualité.

Il n’empêche ! Ces documents de toutes sortes commenceront à prendre de la valeur le jour où ils circuleront, le jour où ils seront, eux aussi, mêlés au flux ordinaire, en concurrence avec toutes les ressources granulaires produites un peu partout et qui sont si appréciées.

Éduthèque trouverait tout avantage à évoluer de la sorte, à organiser le flux et la circulation des idées et des ressources, de leurs enrichissements aussi, à permettre et réguler la gestion des droits numériques, à valoriser l’immense et richissime travail des anonymes créateurs et producteurs.

C’est de tout cela qu’il sera question, je le crois et l’espère, à Ludovia, avec ceux qui se joindront à moi, sur la table ronde ou dans le public…

En attendant les navigations des Boussoles du numérique, les 10 et 11 décembre prochains à Cenon… Autre plaisir indicible !

Michel Guillou @michelguillou

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[cite]

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