Lettre ouverte à ma 1 743e abonnée

Ubu de Asger Jorn

Bienvenue Anne ! Tu veux bien que je t’appelle Anne ? Cela semble être ton prénom comme le nom que tu as choisi pour ton avatar semble l’indiquer : @anne_id. Oui, bienvenue à toi, tu es ma 1 743e abonnée.

Tu faisais donc partie du lot de mes nouveaux abonnés de la nuit dernière. Je ne sais pas qui tu es. Les quelques lignes que tu as rédigées pour te décrire m’ont pourtant incité, comme je fais d’habitude pour tous ceux qui font une utilisation loyale et non commerciale de Twitter, à te « suivre » en retour et à m’abonner à tes tweets.

Bienvenue donc à toi, Anne, jeune professeur des écoles. Tu verras — peut-être t’en es-tu déjà aperçue ? —, c’est un métier formidable, passionnant, difficile aussi, bien sûr. mais tellement gratifiant. C’est aussi le métier qu’exerçait ma mère qui y a toujours pris beaucoup de plaisir. Puisses-tu, dans ta carrière, en trouver autant qu’elle !

Sais-tu que les nouvelles technologies dont tu parles, en fait des outils et des techniques, ne sont plus nouvelles depuis bien longtemps ? Sais-tu que les protocoles de communication sur lesquels s’appuie Internet ont été définis et mis en œuvre dans les années 70 puis 80 ? Sais-tu que celui qui définit la manière dont le courriel s’échange, de machine à machine, a été largement déployé dès 1980 ? Sais-tu que le web s’est développé il y a 20 ans déjà, dès le début des années 90 ?

Pour ma part, j’utilisais des ordinateurs avec mes élèves, dans le collège où j’enseignais alors, dès les premières années 80, j’ai envoyé mes premiers courriels avec mes élèves dès les premières années 90…

Sais-tu encore que les fonctionnalités apportées par le numérique aujourd’hui ne sont que des évolutions de ce qui avait été prévu et défini il y a un bon moment déjà ?

On est très loin de la nouveauté dont tu parles…

La société est numérique, les entreprises, les administrations ont pris le virage du numérique depuis un moment déjà, des mutations importantes se sont opérées, organisationnelles, structurelles, sociétales, humaines. De leur côté, les jeunes — tu sais, Anne, nos élèves ! — se vautrent jusqu’à plus soif dans les usages que la société leur a offerts.

Alors, oui, tu as raison, il faut mettre en question le numérique à l’école. Mais pas pour les raisons que tu crois.

D’abord, les technologies, nouvelles ou pas, on s’en fiche un peu. Ce qui compte, ce sont les objectifs pédagogiques. Et c’est aussi, à ce sujet, le numérique, avec ce qu’il change dans les modes d’enseignement, les postures magistrales, les relations aux acteurs et entre ces derniers, les apprentissages… Tout ça, il faut l’analyser, le comprendre, l’intégrer, en faire son grain. Les technologies, on s’en sert juste quand et si on en a besoin, quand on a pris conscience à quel point le numérique engageait l’école…

Il faut mettre en question le numérique à l’école surtout parce que l’école, elle, a contrario, ne s’engage pas, malgré les sollicitations dont elle fait l’objet, dans le numérique. Soyons clair, et sans m’attarder sur la pauvreté voire l’indigence des matériels numériques éducatifs, sur l’absence d’une impulsion pour la mutualisation de ressources de qualité, sur l’incapacité des cadres à organiser et promouvoir l’innovation, le numérique est encore très loin, mais alors très loin, d’avoir trouvé sa place à l’école.

Et toi, Anne, jeune professeur d’école, tu t’interroges, tu te poses des questions ? Pourquoi donc ? Engage-toi, Anne, résolument, avec confiance et enthousiasme, avec les élèves aussi qui t’en sauront gré, dans une utilisation raisonnée mais intégrée du numérique éducatif. Tu n’as guère le choix, t’ai-je dit. Ne crois pas tous ceux qui te parlent des Tuic et des Tice pour promouvoir une technologie triomphante ou encore du B2i qui n’a d’autre but que de réguler l’indicible.

J’ai cru lire que l’enseignement de l’anglais te passionnait. Si tu veux continuer dans cette voie, il y a vraiment tout à inventer avec le numérique dans cette discipline, où l’on part de si loin… Tu vas trouver, si tu t’y aventures, de quoi satisfaire ton envie d’avancer et d’innover. Internet, les réseaux numériques t’offriront tous les possibles.

Avance, partage, échange, innove, Anne. J’aurai plaisir à lire les tweets qui raconteront tout ça. Bienvenue, donc.

Mais, bon sang, arrête de te poser des questions !

Michel Guillou @michelguillou

Licence Creative Commons

Merci à Asger Jorn pour son illustration, un Ubu qui m’a fait penser à Twitter…

[cite]

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