Engagez-vous, rengagez-vous qu’ils disaient…

5796795124_a43f87cedaJe vous avais promis, dans un billet récent, de vous dire ce que signifie, selon moi, « engagement numérique ». Venons-y donc…

Au moment-même où j’écrivais le début de cet article, se tenait à Paris-Dauphine la 4e édition des Assises du numérique sous le patronage, excusez du peu, de la CEE et de 4 ministères. Y assistaient un très grand nombre de personnalités diverses, économiques, culturelles et politiques. Des discours, des tables rondes, des prises de parole… La France, la société française s’engagent-elles résolument dans le numérique ? Je ne sais pas, je l’espère fortement, j’en suis presque certain…

Quid de l’éducation pendant ces Assises ? Rien ! Strictement rien ! Silence sur toute la ligne !

Par ailleurs, quand un ministre et son cabinet, dans la dernière circulaire de rentrée datant déjà de mai dernier, document important s’il en est, n’évoquent le numérique que par toutes petites touches, il y a de quoi se faire du souci…

Quelques extraits édifiants :

  • À propos de la sensibilisation précoce à la première langue vivante : « L’enseignement des langues vivantes peut utilement s’appuyer sur des outils numériques et des activités créatives ».
  • À propos de réussir la rénovation de la voie technologique : « La série “sciences et technologies de l’industrie et du développement durable (STI2D)” vise l’acquisition d’une formation technologique polyvalente renforcée par un enseignement technologique spécifique décliné en quatre domaines : […] systèmes d’information et numérique […].
  • À propos de l’enseignement des langues vivantes : « Les orientations engagées dès la classe de seconde se poursuivent : […] usage des outils numériques nomades […].
  • À propos de mobiliser tous les acteurs de l’orientation, le ministre suggère : « Le passeport numérique (Web classeur) proposé par l’Onisep peut servir utilement de support ».
  • À propos de rénover la politique de formation continue, là encore, le ministre indique qu’elle a pour but d’accompagner la mise en œuvre des évolutions du système éducatif à tous les niveaux, notamment […] le développement des usages numériques.
  • Un chapitre important (25 lignes) s’intitule « Développer les ressources et accélérer la diffusion des usages numériques ». On y évoque, dans une liste à la Prévert, Eduscol, les portails disciplinaires, la production collaborative de ressources, le rôle du CNDP, les services et ressources numériques, le « chèque-ressources », les ENT, le Plan numérique, le cahier de textes et le manuel numériques, la sensibilisation et la formation des élèves aux usages responsables d’internet enfin dont le vecteur est le brevet informatique et internet (B2i).

Et c’est tout.

On finit par se demander si, dans ces conditions, l’idéal aurait consisté, dans cette circulaire de rentrée, à n’en pas parler du tout. Le numérique aurait dû, naturellement, depuis plusieurs années déjà, imprégner complètement les pratiques éducatives, depuis le fonctionnement même du système éducatif, du haut en bas de la hiérarchie, jusqu’aux pratiques en classe. Oui, c’eût été l’idéal.

Mais, quitte à l’évoquer dans la circulaire de rentrée, en dire aussi peu témoigne assez bien de l’absence réelle d’engagement dans ce domaine.

Comment comprendre, à propos du numérique, qu’on soit encore dans la suggestion (« L’enseignement des langues vivantes peut utilement s’appuyer sur des outils numériques », « Le passeport numérique (Web classeur) proposé par l’Onisep peut servir utilement de support »…) alors que le reste de ce document est sur le style injonctif ?

Comment comprendre, à propos des ressources, qu’on en soit encore à soutenir à bout de bras, à force de subventions et de chèque-ressources, les initiatives d’entreprises privées ou semi-publiques qui ont fait la preuve de leur incapacité à répondre vraiment aux besoins des enseignants, lesquels se sont organisés tout seuls depuis longtemps ? Voir un article récent à ce sujet.

Comment comprendre que la formation initiale et continue des enseignants et celle des cadres soit aussi peu empreinte de la nécessaire culture numérique ?

Concernant les cadres, c’est un truisme — je ne reviens pas sur la une exemplaire du site de l’ESEN déjà évoquée dans un précédent article —, à l’observation même des programmes académiques et nationaux où l’on préfère passer de longues journées sur la prise en main technique de Sconet et les en-têtes d’un courrier administratif (oui, oui) plutôt que de confronter la réflexion numérique citoyenne ou didactique à celle des jeunes ou des enseignants pionniers.

Concernant les enseignants, malgré les bonnes intentions, il faut bien se rendre à l’évidence, les plans académiques de formation s’étiolent au point de disparaître par pans entiers, faute des subsides nécessaires. Par ailleurs, on observe encore dans ces plans, quand ils existent, d’invraisemblables affichages « Lettres et Tice » ou « Histoire-géographie et multimédia » ou encore « SVT et Internet » (je ne plaisante pas !) qui montrent à quel point les disciplines n’ont toujours pas intégré le numérique en le juxtaposant ainsi à la didactique de la discipline, se contentant d’une réflexion technophile et déconnectée des apprentissages.

Comment comprendre les politiques de communication descendante traditionnelle, issues tant du ministère que des corps d’inspection dans les académies, qui n’intègrent le numérique — quelle ironie ! — qu’à l’occasion de l’envoi massif de lettres d’information ou « newsletters » insipides (voir ce que j’en pense) ou de la mise en place de listes de diffusion dans lesquelles les prises de parole institutionnelles tuent dans l’œuf toute tentative d’échanger entre pairs ? Comment comprendre qu’on suggère que les pratiques collaboratives et la mutualisation se mettent ainsi en place sous la férule de cadres qui n’ont compris ni les avantages ni les enjeux de ces dernières et continuent à fonctionner comme avant ?

Comment est-il possible d’avoir peur à ce point d’Internet et des médias numériques ? 

Comment est-il possible de freiner l’innovation numérique et de si peu s’engager ?

Tout récemment, en commentaire à l’un de mes précédents billets, un inspecteur du 1er degré regrettait le sort qu’on lui faisait en académie : il n’était pas désigné par sa hiérarchie comme IEN Tice malgré ses grandes compétences dans ce domaine. Ma question, en réponse à ce commentaire, fut celle-ci :

Est-il normal qu’il y ait encore des Conseillers Tice des recteurs ou des IEN Tice alors que le numérique, en 2011, devrait faire partie de la culture commune de TOUS les cadres ?

J’aurais pu ajouter : est-il normal de continuer à s’appesantir autant sur les outils ou les technologies, les Tice, alors que le problème, c’est l’acquisition d’une culture intégrée du numérique ?

De tout cela, de tous ces mots et de leur sémantique, j’essaierai de vous reparler bientôt (je sais vous faire languir, n’est-ce pas ?).

Michel Guillou @michelguillou

[cite]

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