Parler d’outillage numérique ne peut faire de mal à personne, et surtout pas à l’éducation

Outillage

Avertissement liminaire au lecteur : les considérations qui vont suivre n’ont pas grand chose à voir avec le numérique éducatif et la nécessaire transformation numérique de l’école ! S’il est bien une question qui prend beaucoup de place dans les médias et donc dans les conversations en salle des professeurs, y compris ce dimanche matin même sur Twitter, c’est celle de l’outillage, des machines, peu importe le nom qu’on leur donne… et de ce qu’on peut bien en faire en classe. Dans les médias en particulier, comme sous la plume de certains cadres de l’institution habilement convaincus par les lobbys, on se gargarise volontiers aussi des sempiternels et stupides syllogismes sur l’apprentissage du codage, d’où le « quoi » est toujours absent de la question (coder quoi ?) ce qui donne une vague idée de la vacuité de la réflexion pédagogique à ce sujet.

C’est à peu près la même chose à propos des matériels. Discourir à leur sujet permet d’éviter de parler de ce qui peut fâcher, les changements de postures et des modalités de l’enseignement. Cela dit, il faut bien tenir compte du fait que, depuis des lustres numériques, ce qui correspond à un peu plus de deux décennies, l’État et surtout les collectivités territoriales équipent plus ou moins bien les écoles, collèges et lycées de ce pays de matériels divers et hétéroclites.

Quelques considérations générales pour commencer : ce qui caractérise ces machines, c’est qu’elles ne correspondent pas le plus souvent aux besoins des enseignants, qu’elles finissent parfois dans des placards, qu’elles sont peu ou mal entretenues et maintenues, qu’elles sont rarement administrées, qu’elles sont parfois incompatibles entre elles, qu’elles sont généralement mal connectées entre elles et à l’Internet… Faut-il en dire davantage ? Le risque de tels prolégomènes, c’est de généraliser ce qui peut sembler exceptionnel. Ce n’est pas le cas, l’exception, il faut la chercher dans l’adéquation aux besoins, le bon entretien, la bonne maintenance, la bonne administration, la compatibilité et la bonne connectivité.

On aurait pu penser aussi, par exemple, que les lois de décentralisation, en confiant la gestion des établissements aux collectivités locales, auraient pu permettre une plus grande adéquation des équipements aux besoins locaux des équipes pédagogiques et une plus grande rigueur dans les choix effectués. On aurait pu penser… en effet. Mais ce ne fut et ce n’est pas le cas, tant les décideurs de ces collectivités, mal conseillés, ont montré et montrent encore une extrême sensibilité aux lobbys commerciaux, si agiles et convaincants sur ces terrains-là.

Ah, encore une chose est certaine : tous ces matériels, câblages actifs et passifs, serveurs, ordinateurs, tablettes, imprimantes, tableaux numériques, vidéoprojecteurs, périphériques divers, sortent des inventaires et finissent assez vite dans les poubelles, dans des délais surprenants parfois même inférieurs à la durée de la garantie contractuelle !

Convient-il d’apprendre aux élèves à s’en servir ?

C’était une des questions que se posaient en public plusieurs twittos ce dimanche matin. Sans honte… Comme si la réponse n’allait pas de soi, comme si l’on pouvait imaginer sereinement que les élèves savaient s’en servir « de naissance », comme si c’était génétique. Mais rien ne faisait consensus, pas plus sur la question en titre que sur la question de de savoir qui allait s’y coller, les uns prétendant que c’est le travail des profs de technologie en collège, les autres en convenant mais regrettant qu’ils ne le fassent plus.

Curieusement, personne ne s’est demandé qui devait s’en préoccuper à l’école ou au lycée, en l’absence du champ disciplinaire concerné. Personne non plus, en conséquence, n’a fait remarquer qu’il s’agissait de compétences dont l’acquisition s’avérait indispensable — la maîtrise des outils numériques — dans toutes les disciplines et qu’il convenait donc d’une part de se partager le boulot, d’autre part de s’assurer qu’il a bien été fait et partagé, sans se décharger de ce travail sur les autres. Après tout, qui se pose encore la question à propos de la maîtrise des autres outils scolaires non numériques, à supposer qu’il en existe encore ?

Enfin se pose pour tous la question de la transmission de savoir-faire que l’on ne possède pas vraiment… Mais c’est une autre question.

Convient-il de se servir d’ordinateurs ou de tablettes numériques ?

Voilà encore une question qui taraudait les praticiens sur Twitter. Comme si y répondre était déterminant… La seule réponse sensée qui vaille est celle qui tient compte de nombreux facteurs comme les objectifs d’apprentissage, les conditions d’accès aux ressources ou à l’Internet, les lieux et la forme de l’enseignement, la maîtrise technique personnelle du maître et de ses élèves, l’autonomie et la responsabilité de ces derniers… et bien d’autres encore.

La réponse dépend aussi très fortement de la manière dont les ordinateurs ou les tablettes sont mis à disposition des élèves et de leurs professeurs. S’il s’agit d’un matériel toujours présent dans le cartable, on aura naturellement tendance à en privilégier l’utilisation, comme on pourrait le faire, nonobstant les contraintes réglementaires et techniques, avec les terminaux personnels (tablettes, « smartphones ») des élèves.

Et qui sait… demain, ce que seront les terminaux mobiles et personnels des acteurs du numérique ? À quoi ressembleront-ils ? Qui aurait pu prévoir les étonnants progrès des fonctionnalités propres des ordiphones, des « smartphones » si vous préférez ?

Les tablettes peuvent-elles être des outils de création ?

Depuis plusieurs années, plus particulièrement depuis l’annonce du grand Plan pour l’éducation, le procès constant est fait aux tablettes d’être des outils avec lesquels il est difficile voir impossible de créer, de produire. Ce procès est d’autant plus surprenant qu’il émane généralement de geeks qui réduisent volontiers les autres — l’enfer, rappelez-vous — à la posture d’utilisateur, sous-entendu consommateur passif et non acteur ou créateur.

C’est un procès qui n’a guère de sens. En effet, bien des « créateurs » professionnels, graphistes, designers, blogueurs, écrivains, s’accommodent très bien de simples tablettes pour leurs travaux. Les tablettes numériques, plus légères, naturellement mobiles, sont les outils idoines du nomadisme pédagogique et se prêtent volontiers aux activités de capture et de saisie textuelle, iconographique ou photographique, ainsi qu’aux activités ludiques ou d’accès aux ressources, voire de développement. Par ailleurs, les jeunes qui n’ont pas, eux, été conditionnés par le long apprentissage technique de la gestion des fichiers, des répertoires et des disques ainsi que par celui du clavier, sont capables de prouesses étonnantes et performantes sur les outils de saisie virtuelle ainsi que sur la manipulation tactile des objets, dossiers et espaces de travail collaboratifs en ligne. Ils ont, on l’a vu, bien des choses à apprendre encore, bien sûr, mais, sur ces bases, c’est plus facile.

Alors, oui, bien sûr, ceux qui sont habitués depuis longtemps aux seuls usages bureautiques des ordinateurs sont parfois pris au dépourvu par la faiblesse des applicatifs disponibles sur les tablettes. C’est vrai mais, outre qu’il s’agit encore une fois d’un handicap très visible chez les anciens et beaucoup moins chez les jeunes, il y a fort à parier que des progrès notables sont attendus dans ce domaine de l’ergonomie.

Acceptons-en l’augure. Et, en réfléchissant à la vraie transformation numérique de l’école, servons nous-en.

Michel Guillou @michelguillou

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Crédit photo : via Pixabay en licence CC0 Public Domain

Posté dans Billets d'humeur, Brèves
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Un commentaire pour “Parler d’outillage numérique ne peut faire de mal à personne, et surtout pas à l’éducation
  1. MILLET dit :

    de la bonne intégration d’un Fab Lab dans un espace culturel :
    http://francois-millet.fr/top5-fablab-culturels/

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