Prenez la parole… qu’ils disaient !

DUDH

Le droit international protège, dans son article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, la liberté d’opinion et d’expression :

« Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit. »

En France, c’est la Déclaration universelle des droits de l’Homme qui fixe le cadre de ces libertés fondamentales, dans ses articles 10 et 11 principalement :

« Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi. »

« La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. »

Qu’en est-il de l’exercice de ces libertés sur les réseaux sociaux que nous fréquentons tous ?

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Manifestement, réjouissons-nous, marions-nous, gai, gai, tous ces gens-là ne veulent, en nous invitant largement à nous exprimer, que du bien à nos libertés. Ils les louent, les transcendent, les subliment, les portent au pinacle… Nul besoin de les défendre, ils s’en chargent. Reposez-vous sur vos deux oreilles…

Hum…

Oui, hum… Car il y a les fameux CGU, conseils d’utilisation qui énoncent, par exemple, pour Facebook, les « standards de la communauté » qui ne sont rien d’autres que les règles édictées par Facebook soi-même pour éviter d’avoir des ennuis, avec les lignes magnifiques qui suivent :

« Veuillez prendre connaissance de ces standards. Ils vous permettront de comprendre quel type d’expression est autorisé et les types de contenus qui peuvent être signalés et retirés. »

Je vous épargne la fastidieuse lecture des CGU des autres réseaux sociaux qui, dans leur grandeur d’âme et dans un but parfaitement désintéressé, bien sûr, vous donnent la parole… Ils contiennent, tous, à quelques exceptions près, les mêmes lignes, vous encourageant, d’une part, à vous exprimer en toute liberté et responsabilité, vous avertissant que ces dernières sont opposables, d’autre part, aux fameuses règles internes à la communauté et que vos billets, productions, gazouillages, statuts, « posts » comme on dit, seront supprimés sans préavis par ceux qui administrent ces réseaux si ça leur chante.

On ne compte plus, sur Facebook comme ailleurs, les publications annulées sans préavis, les censures avérées, comme d’ailleurs les suppressions de comptes. Le moindre petit bout de sein ou de chair dénudée est irrémédiablement supprimé sur Facebook, en parfaite allégeance aux recommandations des ligues de morale américaines.

Le 14 décembre dernier, Facebook censurait même Le Monde pour la publication d’une photo d’actualité. Voir cet article. Un exemple parmi beaucoup d’autres.

Il est vrai aussi que ce sont souvent les réseaux sociaux qui sont, parmi les premiers, censurés par les pays totalitaires. La Chine, par exemple, censure régulièrement Linkedin, Viadeo, Twitter et Facebook. Même Renren, le réseau local, n’échappe pas à la censure officielle.

Mais pourquoi nous raconte-t-il tout ça ? vous dites-vous à raison…

Figurez-vous qu’il existe en France un organisme dont la mission est « de veiller à ce que le développement des nouvelles technologies ne porte atteinte ni à l’identité humaine, ni aux droits de l’homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques. ». C’est la CNIL. Vous avez bien lu comme moi : défendre les libertés individuelles ou publiques

Qu’en est-il en vérité ?

La CNIL se préoccupe-t-elle de ces nouvelles formes de négation des libertés d’opinion et d’expression ? Intervient-elle pour rappeler que ce sont des libertés qui fondent les droits de l’être humain ? En fait-elle un de ses chevaux de bataille ?

Apparemment pas.

Il suffit de chercher sur le site de la CNIL le mot « censure » pour ne trouver que deux occurrences — vous m’avez bien lu : deux occurrences ! — qui n’ont d’ailleurs aucun rapport avec la négation de la liberté d’opinion et d’expression. Il suffit de chercher encore les mots « CNIL » et « Facebook » dans n’importe quel moteur de recherche pour ne trouver que les alertes de la CNIL concernant certaines dérives d’atteinte à la vie privée, nombre de ces supposées dérives étant d’ailleurs voulues par les utilisateurs eux-mêmes !

Facebook, qui prétend être l’Internet à soi tout seul, est un réseau social à vocation internationale et hégémonique dont il n’est pas supportable que les décisions unilatérales de censure soient tolérées, en France comme ailleurs. Il en va de même de tous les autres réseaux sociaux, cela va de soi. Le rôle de la CNIL est d’être à l’écoute des citoyens internautes et de repérer et de sanctionner, en France et sur les réseaux qui la traversent, les abus et les contraventions à la loi française, si nombreux.

Plutôt que de se préoccuper de promouvoir un droit à l’oubli qui n’est réclamé que par ceux que ça arrange et qui est une très mauvaise idée éducative, voir les articles des psychologues Yann Leroux et Serge Tisseron à ce sujet, il est vraiment temps que la CNIL se préoccupe enfin de garantir à tout internaute ce bien si précieux qui lui est maintenant accordé, celui de s’exprimer en public et de porter son opinion à l’autre bout du monde.

C’est bien le moins qu’on attend d’elle. Une résolution dans ce sens pourrait être notre cadeau de Noël. On peut toujours rêver…

Michel Guillou @michelguillou

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[cite]

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