Changer l’école avec le numérique : d’une belle tautologie aux ellipses

Najat Vallaud-Belkacem

Jeudi 7 mai 2015, après de longs mois d’attente, on restituait enfin, en présence de la ministre de l’Éducation nationale et du président de la République, l’ensemble des résultats de la consultation organisée en ce début d’année quant à la question du numérique pour l’éducation, consultation qui m’avait donné l’occasion de faire, à titre personnel, quelques suggestions (1,2,3). Dans un billet tout récent, j’avais fait une première analyse plutôt désappointée de ces premiers résultats, en y repérant notamment ceux d’entre eux qui laissaient augurer le pire quant à l’engagement numérique de l’école (4).

En ce matin-là, j’ai aussi écrit un autre billet (5) où j’essayais de dire mon attente d’un souffle politique, d’une ambition résolue pour l’école de France, d’une vision éclairée de la perception des enjeux… De ce point de vue, j’ai été particulièrement déçu. Deux ans après les puissantes et enthousiastes envolées publiques de Vincent Peillon (6), on est redescendu très très bas.

Pourtant, tout avait bien commencé…

J’agrée bien sûr les propos de Delphine Barbirati. C’est après que ça se gâte.

La belle tautologie

La ministre Najat Vallaud-Belkacem, sur un ton très neutre et froid, ouvre l’événement en annonçant que le numérique est une des priorités pour l’école, entre autres. Et de décliner cette priorité en deux grands axes dont le plus important, explique-t-elle, est l’enseignement de l’informatique. Et pourquoi donc ? Parce qu’il faut enseigner l’informatique, c’est bien, l’enseignement de l’informatique, cette si belle science si moderne qui fera tant de bien aux élèves qui apprendront l’informatique et le code, tout ça. D’ailleurs, c’est Gérard Berry, qui parle si bien de l’informatique, qui le lui a dit. C’est dire combien c’est important…

Le lobby de l’informatique cireur de parquets de cabinets a bien fait son travail mais il a terriblement, semble-t-il, manqué d’arguments et de pédagogie, tant il sautait aux yeux que la ministre, en l’occurrence, ne savait pas de quoi elle parlait. C’est fou ce que ces gens des lobbys sont maladroits ! Quand on sait que tout ça va se décliner de manière diverse et multiple, d’ateliers périscolaires en compétences du socle, entre les mathématiques, la technologie et les options en terminales dont on ne sait quels animateurs ou quels professeurs, formés ou pas, vont les prendre en charge, il y a de quoi se faire du souci à la fois sur les contenus et sur la cohérence des enseignements…

Un échec en grand, un de plus pour l’enseignement de l’informatique.

Et d’évoquer ensuite la formation du jeune citoyen en parlant vaguement littératie, mais en se trompant dans les priorités. Dommage !

Je ne suis d’ailleurs pas certain qu’elle ait parlé de littératie. Je ne peux pas vérifier, son discours est absent encore sur la chaîne vidéo officielle et celui qui se trouve sur le site n’est pas celui qu’elle a prononcé.

[Mise à jour du 11 mai, 18 h, avec la vidéo officielle de l’intervention de la ministre]

C’est pourtant l’enjeu majeur, l’enjeu systémique. Ce serait pourtant la seule vraie priorité, qui passerait par une réforme des programmes — j’avais raison de me méfier de ce Conseil supérieur en charge du dossier qui semble venir tout droit du millénaire dernier et paraît trop sensible aux lobbys —, des examens, des hiérarchies, qui passerait encore par la réforme des missions des cadres et des professeurs et une acculturation complète des personnels, de tous les personnels. La formation qu’on nous annonce — j’y reviens — ne suffira pas, c’est une certitude.

Le moment le plus étonnant de l’intervention de notre ministre, c’est quand même quand elle nous a parlé des beaux logiciels qu’elle avait vus. Ses yeux brillaient. Du coup, on a fait une descente directe et rapide depuis le « cloud » où le lyrisme enflammé de Vincent Peillon nous avait jadis emportés…

Une restitution très réussie sur de bien belles tables rondes

C’est la directrice du numérique Catherine Becchetti-Bizot qui a fait la synthèse des synthèses et introduit deux très belles tables rondes successives.

Sur la première, quatre recteurs (Montpellier, Rennes, Clermont-Ferrand et Grenoble) ont longuement mais pertinemment tenté, elles et eux aussi, de faire la synthèse des commentaires et autres défis, exercice ô combien délicat. Ce fut franchement réussi. D’abord parce que ces gens-là se sont exprimés en termes compréhensibles de tous, ensuite parce qu’ils ont fait l’effort de vocabulaire suffisant pour éviter de dire trop de bêtises et d’approximations convenues qui étaient pourtant le lieu commun de l’encadrement ces derniers temps. Ils ont peu évoqué les sempiternels usages, tartes à la crème du vide sémantique, n’ont que peu qualifié le numérique d’outil, le réduisant à un moyen subalterne, pour s’attarder un peu plus aux effets, aux transformations, aux mutations, aux révo… oh ! non, tout de même pas.

Franchement, après avoir apprécié à sa mesure la fracture gigantesque (6) qui séparait jadis l’initiateur de la refondation, Vincent Peillon, des aréopages de ses services et des responsables académiques, j’ai été surpris cette fois des progrès effectués en seulement deux ans. Je soupçonne la directrice du numérique d’avoir fait un choix peu représentatif des réalités locales.

L’excellent Ludomag restitue mieux que je ne saurais le faire l’ensemble de ces synthèses. Je vous en recommande la lecture. Je remercie Aurélie Julien de citer, ce qui tranche avec les positions de Vincent Peillon (7) il y a trois ans qui croyait que l’éducation en ligne lui ferait faire des économies, cette observation d’Armande Le Pellec Muller, rectrice de l’académie de Montpellier qui a compris l’essentiel :

« Ce n’est pas moins d’enseignants mais plus d’enseignants dont nous allons avoir besoin dans une dynamique de la rencontre au savoir qui est différente »

Cette dernière fait d’ailleurs une proposition complémentaire que j’agrée, celle de renforcer par la recherche l’accompagnement de la marche en avant de l’école numérique, non pour savoir si c’est mieux mais ce que ça change (8). J’ajouterai, pour ma part, que cette recherche, pour être efficace à l’heure d’un numérique qui avance et n’attend pas, doit être capable d’une très grande réactivité et donc radicalement changer ses méthodes d’investigation traditionnelles.

La deuxième table ronde fut indubitablement le moment fort de cette journée. Sont intervenus chacun à leur tour — il est vraiment très dommage qu’on n’ait pu donner sa chance au débat, tant, parfois, les positions des uns et des autres, paraissaient différentes — des personnalités proches de l’école, chacune porteuse d’une parole originale. Il est aussi fort dommage qu’on n’ait pas songé, semble-t-il, à inviter un élève. On aurait pu penser, par exemple, à Samya Mokhtar, élue tout récemment à la présidence de l’UNL.

[Mise à jour du 13 mai, 17 h, avec la vidéo officielle de la deuxième table ronde]

Parmi les participants à cette table ronde, Daniel Kaplan, pour la Fing, a rappelé fort justement que la préoccupation de l’école, qui sépare curieusement ce qui est numérique de ce qui ne l’est pas, n’était en aucun cas la préoccupation de l’entreprise. Il aurait pu ajouter que ce n’est pas non plus celle des jeunes, les élèves.

Membre du Conseil national du numérique, il a aussi rappelé les propositions de ce dernier pour l’école, dont il a reconnu qu’elles étaient contestables et avaient été fort contestées. En effet, pour le moins (9).

Stéphanie de Vanssay se faisait, elle, le porte-parole des professeurs engagés. Elle a rappelé, elle aussi, avec des mots simples et audibles, les points qui lui paraissaient les plus importants et les axes de travail à privilégier, en particulier, parmi eux, de manière prioritaire, l’arrêt du filtrage et de la censure stupides sur les réseaux des écoles et établissements. Elle a souhaité, sur ce point comme pour faire tous les choix pédagogiques et exprimer les besoins, qu’on fasse enfin confiance à la sagesse des professeurs concernés et des équipes dans les écoles et établissements. De même, elle a rappelé l’importance du lien et de la mutualisation entre les acteurs dont il faut faciliter la mise en œuvre. Enfin, elle a insisté pour que l’école donne l’occasion aux élèves, dans le cadre des apprentissages scolaires et citoyens, de publier et d’exercer leur liberté d’expression.

Les ellipses

[Mise à jour du 11 mai, 18 h, avec la vidéo officielle de l’intervention du président]

Enfin… arriva le président de la République.

Celui-ci nous a délivré, sur un ton nettement plus convaincu, un discours politique, très politique, duquel le numérique était absent, dans sa première partie. Il est en effet revenu d’abord sur la réforme des rythmes scolaires puis sur les débats qui agitent la réforme du collège, dont il a expliqué longuement les idées-forces.

Il a enfin détaillé les principaux points de ce que le gouvernement continue d’appeler « Plan numérique pour l’école ». Ce dernier est longuement détaillé un peu partout, à commencer par le site du ministère. Je ne vais pas y revenir en détail, d’autant qu’il n’y a là rien de nouveau ni de très révolutionnaire. On retrouve en effet le vieillissant triptyque « Formation, ressources, équipements » dont on sait maintenant qu’il est très loin d’être la panacée pour l’école.

En premier lieu, des nouveautés apparaissent aujourd’hui, dont la plus importante, peut-être, semble être la prise de conscience qu’il est vain de vouloir décider, de l’Élysée ou de la rue de Grenelle, de l’équipement qui sera affecté à telle ou telle classe ou à tel ou tel élève. En effet, contrairement aux premières orientations, la manne financière sera distillée selon des modalités complexes aux conseils départementaux qui décideront d’équiper les élèves des collèges de terminaux mobiles.

Il ne reste plus qu’à espérer que les collectivités laissent la place aux initiatives du terrain et au projet local, notamment sur le type d’équipement qui devra être le plus ouvert possible et le plus propice aux apprentissages, en évitant de s’embarrasser de marchés captifs et pluriannuels.

Mais François Hollande procède, dans son discours, à grands raccourcis. Derrière les déclarations, subsistent de trop nombreuses zones d’ombre dont, bien sûr, l’origine et la pérennité de l’effort financier, mais aussi le nombre d’élèves de collège réellement concernés. Et quid des écoliers et des lycéens ? On ne peut pas, comme l’annonce François Hollande en mettant l’Égalité comme première vertu à ce plan, oublier les plus jeunes et les plus anciens…

Deuxième orientation : le dispositif des « écoles et collèges connectés » est amplifié, puisque 500 seront concernés. Le choix a été fait récemment et la liste des 209 collèges peut être consultée. Très curieusement, de grands pans du territoire sont oubliés, faute sans doute de la complicité des collectivités locales. Mais, ce plan laisse subsister des doutes : 209 collèges, c’est moins d’un sur 30. Les autres ne sont-ils pas connectés ? Les professeurs qui y exercent ne sont-ils pas engagés dans l’école numérique ?

Cette question vaut d’autant plus pour les écoles. En fait d’égalité, c’est moins d’une école sur 150 qui sera concernée par l’effort d’équipement. Et quid de l’accompagnement pédagogique prévu ? Les académies, les circonscriptions ont-elles le désir et surtout les moyens de s’investir ? Beaucoup en doutent…

Au fond, de quoi s’agit-il ? Ce n’est pas moi qui le dis mais le communiqué de presse de la ministre, que je cite :

« Ce sont ainsi plus de 70 000 élèves et 8 000 enseignants qui expérimenteront, dès la rentrée prochaine, de nouvelles formes d’enseignement et d’apprentissage grâce au numérique. »

Expérimenter ? Sur quels objectifs ? Pour vérifier quoi ? Pour quels questionnements ? Je crains que, dans l’esprit de beaucoup, il ne s’agisse de savoir, encore une fois, « si ça marche ». Ce n’est plus la bonne question. Là où on attend des décisions radicales pour changer, au fond, les modalités d’enseigner, les programmes, les examens… pour faire que vraiment, l’école change avec le numérique, en donnant la chance à tous de vraiment mettre en œuvre, pour de bon, on se contente de planifier d’en haut et de lancer des expérimentations !

Troisième point : la formation. Le président de la République nous annonce un grand dispositif à ce sujet dont on ne sait quasiment rien. Ce n’est pourtant pas faute d’employer tous les qualificatifs les plus dithyrambiques ! Pour qui connaît un peu ce domaine, il n’y a pas, dans les académies, encore moins dans les ESPE, assez de formateurs compétents et disponibles pour former tout le monde très vite. Par ailleurs, avoir recours, même en alternance, à des parcours de formation en ligne, aussi pertinents soient-ils, ne suffira pas à la tâche, d’autant que ces formations nécessitent tout autant d’accompagnement, à d’autres horaires que ceux de la classe, et qu’on ne s’improvise pas tuteur ou accompagnateur de formation en ligne.

Par ailleurs, au point où nous en sommes, ce n’est pas de formation stricto sensu dont ont besoin les professeurs et les cadres administratifs et pédagogiques mais, comme je l’ai déjà dit, d’une véritable acculturation numérique, dans un environnement administratif et pédagogique complètement rénové. Si rien ne change dans les organisations, les programmes, les examens et les modalités d’enseigner, les postures magistrales et hiérarchiques ne changeront pas, l’école non plus et ce n’est pas parce qu’on aura appris à se servir d’un tableau numérique ou de tel ou tel logiciel en formation que ça changera quoi que ce soit en classe. Certaines académies, mieux pourvues que d’autres, ont vingt ans d’expérience à ce sujet, leurs formateurs s’échinaient et s’échinent toujours à la tâche alors que rien autour d’eux, vraiment rien, ne change.

Où ira l’argent — quel argent ? disent les pessimistes… — destiné à la formation ? Encore une ellipse…

Dernier point du plan : les ressources. On apprend le projet d’une gigantesque plateforme, guichet unique pour toutes les ressources numériques éducatives possibles, issues de l’édition privée ou publique, y compris les ressources produites par les enseignants eux-mêmes, car il en existe, nous explique le président, ravi ! Sur ce dernier point, si cela se fait, ce sera un début de bonne nouvelle car il est nécessaire de valoriser et de mutualiser tout ce trésor, je n’ai cessé de le répéter depuis un moment. En revanche, une fois de plus, on se trompe en voulant stocker tout ça sur un site central alors qu’on sait — vous le savez si vous me lisez — qu’une bonne ressource, d’où qu’elle vienne, quel que soit son statut, est une ressource qui circule et s’enrichit des apports successifs de ceux qui s’en emparent.

On apprend de plus que ces ressources pourraient être gratuites — rien n’est jamais gratuit, faut-il le rappeler, même si cela n’a aucun coût pour celui qui s’en sert in fine — et offertes à toute la francophonie, ce qui semblait réjouir, je l’ai lu, nos amis canadiens. Quand on sait comment ceux qui, au ministère, en charge de la plateforme actuelle Éduthèque, négocient avec les éditeurs privés, déjà largement subventionnés, et publics, pour libérer les droits sur des ressources déjà payées, on peut légitimement se faire se souci pour les Canadiens. Rassurez-vous, ils ont fini par comprendre.

Enfin, le président nous a ressorti l’antienne éculée du cartable trop lourd en nous annonçant tout de go, si j’ai bien compris, la disparition pour demain des manuels traditionnels au profit de leurs homologues numériques. Compte tenu du modèle économique traditionnel en cours que les éditeurs s’échinent à préserver, du conservatisme ahurissant d’une majorité d’enseignants opposés au manuel numérique (4), le cartable des écoliers et des collégiens aura le même poids encore dans une bonne décennie.


Cette journée fut une belle réussite, néanmoins. Tous les messages ne sont pas passés mais nos élites ont semblé prendre un peu conscience, même si c’est difficile parfois, que les bonnes idées peuvent, comme on dit, « remonter du terrain ». Je fais, je l’ai déjà dit, entièrement confiance à la Direction du numérique et aux équipes dans les académies pour faire émerger ces besoins mais, surtout, stimuler et organiser la mutualisation des ressources et des pratiques professionnelles innovantes, première avancée vers l’acculturation numérique, condition de la réussite de la formation.

« L’utilisation massive du numérique engendre une transformation dans la relation gouvernants et gouvernés qui tend à transformer la société pyramidale actuelle en société de réseaux. Cette mutation n’est pas du tout simple à accepter pour les élites » affirme Laure Belot, citée par Méta-Média. Oui, en effet, je confirme, on s’en est aperçu à la Maison de la chimie, ce jeudi 7 mai…

Le numérique est définitivement incompatible avec une planification verticale.

Comme avec la centralisation, on finira bien par en prendre conscience.

Michel Guillou @michelguillou

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  1. Mon plan pour l’école numérique connectée, saison 1 en 11 épisodes https://www.culture-numerique.fr/?p=2205
  2. Ma petite contribution à la concertation sur l’école numérique https://www.culture-numerique.fr/?p=2622
  3. Pour libérer la parole des élèves, offrons-leur un blogue à chacun ! https://www.culture-numerique.fr/?p=2995
  4. Engagement numérique de l’école : quelques bonnes raisons de craindre le pire… https://www.culture-numerique.fr/?p=2956
  5. « De toutes façons, ceux qui ne veulent pas s’en saisir la subiront » #EcoleNumerique https://www.culture-numerique.fr/?p=3078
  6. La fracture numérique est au ministère ! https://www.culture-numerique.fr/?p=270
  7. Non, l’éducation en ligne ne fera pas faire d’économies… https://www.culture-numerique.fr/?p=490
  8. Numérique : changer radicalement le questionnement https://www.culture-numerique.fr/?p=712
  9. Lettre ouverte à ceux qui s’autorisent à penser… le numérique éducatif https://www.culture-numerique.fr/?p=1901

[cite]

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