Le retour des pionniers du numérique éducatif, saison 3

Pionniers

Qui a eu cette idée folle ?

Oui, qui a eu cette idée farfelue, au ministère ou à la Caisse des dépôts et consignations, de proposer, comme dernier point du partenariat récemment signé entre les parties, de «lancer des collèges numériques pilotes dès la prochaine rentrée scolaire » ?

Il faut n’avoir vraiment rien compris à ce qui s’est passé dans nos collèges de France, pour ne parler que d’eux, car mon propos pourrait s’appliquer aux écoles ou au lycées de la même manière…

En effet, dès le début des années 90, et plus encore à partir de 1995, dès le développement de l’Internet public, dès la mise en place aussi des premiers réseaux d’établissement, faits souvent de bric et de broc, le paysage éducatif numérique — personne, à l’époque, n’utilisait encore ce mot, bien sûr, même si ça en était bel et bien — s’est peu à peu éclairé du travail remarquable des pionniers de l’époque, des professeurs, d’abord, des équipes qui les entouraient, soutenues et encouragées par des chefs d’établissement enthousiastes et lucides. Personne encore ne parlait de collèges pilotes mais on savait bien qu’ils l’étaient, de fait. Il y a des tonnes de littératures sur ces travaux-là, qui rendent compte des difficultés, des chausse-trapes, des échecs, bien sûr, mais aussi des remarquables réussites pédagogiques, disciplinaires ou transversales, de tous ces pionniers.

La deuxième saison correspond grosso modo, dès le début ce millénaire, à l’arrivée progressive du haut débit, au développement des réseaux d’établissement, souvent dotés de serveurs, de services internes, bourrés de ressources, ou externes bricolés, services et ressources, par des petites mains expertes. Les collectivités territoriales, les conseils généraux en l’occurrence pour les collèges, ont pris conscience, parfois même avant l’institution elle-même, de l’importance des enjeux et ont équipé largement en ordinateurs et équipements de mise en réseau, câblage et commutateurs.

Deuxième époque donc, richissime, foisonnante pendant laquelle se sont développés, dans un grand et joyeux « bordel ambiant » dérégulé, des usages numériques très pertinents, pendant laquelle ont commencé à s’échanger aussi les ressources et les bonnes idées élaborées par ces pionniers d’un deuxième âge, parmi lesquels on retrouvait évidemment ceux des débuts. Ces collèges-là, parfois désignés ou connus comme pilotes, n’étaient rien d’autre que des laboratoires innovants où se préparait déjà le numérique éducatif social d’aujourd’hui.

Et donc en 2013, vingt ans après ces premiers collèges pilotes, dix ans après la deuxième série, l’idée brillante que trouvent nos décideurs, c’est de « lancer des collèges numériques pilotes dès la prochaine rentrée scolaire » ! Histoire de vérifier que le numérique, ça marche ? Non, sans rire ?

Que ces gens-là n’ont-ils pris la peine de se retourner et de prendre exemple de ce qui s’est passé depuis vingt ans, histoire d’en garder le meilleur ! Que ces gens-là n’ont-ils pris conscience des formidables enjeux d’aujourd’hui qui obligent à ne plus attendre et à s’engager résolument !

Si la Caisse des dépôts souhaite jouer un rôle pour le développement du numérique éducatif, au-delà de l’effort nécessaire qu’on lui demande pour le raccordement au très haut débit des écoles et des établissements, résolution qui nécessitera d’être vigilant à sa mise en œuvre, c’est à le généraliser dans toutes les écoles, tous les collèges et les lycées de France, dans le respect de l’égalité républicaine, qu’elle doit mobiliser ses forces.

Il ne s’agit plus guère de tâtonner, d’essayer, d’expérimenter même, il s’agit maintenant d’aider les collectivités à déployer, à inonder, à développer, à massifier les équipements innovants, sur projets des collèges. De son côté, l’institution doit accompagner cette démarche de généralisation par la formation massive des cadres et des professeurs, l’encouragement du développement des ressources nécessaires et la mobilisation de tous pour ce projet enthousiasmant.

Il n’est plus temps de procrastiner. C’est aux seules conditions ci-dessus que l’école sera capable de rattraper le retard qu’elle a commencé à accumuler, à la fois sur la société qui l’entoure et la porte à bouts de bras et sur le public qu’elle accueille et qui attend plus d’elle.

Michel Guillou @michelguillou

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Crédit photo : HeedingtheMuses via Compfight  cc

 

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